Nous vivons une drôle d’époque… La France, avec une dette égale à 100% de son Produit Intérieur Brut, peut désormais emprunter à 10 ans avec des taux d’intérêt négatifs.
En d’autres termes, les préteurs aujourd’hui n’ont pas de meilleure option d’investissement que de volontairement perdre de l’argent.
La croyance que rien ne change provient soit d’une mauvaise vue soit d’une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat. (Nietzsche)
Qui pratique ces taux d’intérêt négatifs ?
Qui sont ces prêteurs désespérés au point de perdre sciemment sur le capital investi ?
En premier arrivent les fonds de pension français. Ces derniers ont comme obligation, afin de garantir les remboursements de contrats d’assurance qui arriveront à échéance dans le futur, de replacer les sommes collectées dans des placements considérés comme « sans risque ».
Ensuite on trouve les banques, qui doivent placer sans risque la différence entre les dépôts reçus et les prêts consentis à la clientèle. Enfin, les ETFs ou autres gérants passifs, qui doivent suivre aveuglement leurs indices de référence.
Et pourtant, on sait que le continent africain génère, pour des maturités courtes de moins de cinq ans, des retours sur investissements obligataires en dette souveraine de l’ordre de 6% en US Dollars et plus de 10% en devises locales. Or on constate que les allocataires d’actifs ignorent largement cette offre… Il y a de quoi se poser de sérieuses questions.
Un problème aujourd’hui mondialisé
Mais il n’y a pas que la France qui peut emprunter à taux d’intérêt négatifs sur 10 ans…
De leur côté, la Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas peuvent emprunter à taux négatif sur 30 ans ! Le Japon, la Finlande, l’Autriche, la Suède et la Belgique peuvent également emprunter sur 10 ans et continuer à gagner de l’argent.
Selon l’indice Bloomberg Barclays, la dette publique totale à taux d’intérêt négatifs dépasse les 12 trilliards de US dollars, soit le double d’il y a deux ans et en forte augmentation récemment.
Une situation due à la combinaison de 3 facteurs
Tout d’abord, l’inflation dans les pays développés ne donne aucun signe de reprise. En Europe en 2019, le taux d’inflation ne devrait pas dépasser les 1,3%, le pétrole étant en baisse de 15% depuis le début de l’année.
Ensuite, depuis 2009, beaucoup de marchés actions ont connu une forte progression et se situent à leurs plus hauts niveaux historiques. Or les allocataires d’actifs ont très peur de revivre les crashs de 2000 et 2008, après plus de dix ans de performance économique positive.
Pour terminer, les risques de récession sont aujourd’hui au plus haut, à cause notamment de l’escalade de la guerre commerciale USA/Chine depuis début mai 2019. Aux Etats-Unis, le taux (positif) sur 10 ans vient de tomber sous les 1,5%.
L’aversion au risque est donc d’actualité. Ce dont profite évidemment l’or, dont la demande et le cours ont fortement monté depuis mai dernier.
Il ne fait pas de doute que les risques géopolitiques sont eux aussi très forts. Avec des tensions croissantes en Iran, à Hong Kong (la porte de la Chine vers le monde) et bien sûr en Europe, au Nord avec le Brexit et au Sud en Italie.
Mais a-t-on jamais connu des périodes sans risque géo-politique ? Et pour en revenir à l’économie européenne, que va-t-il se passer ?
Et si les taux d’intérêts négatifs perduraient ?
A ce stade, et compte tenu du contexte actuel, nous imaginons trois scénarios potentiels :
1. Une fiscalité assouplie ?
A court terme, compte tenu des risques sur la croissance et grâce à ces taux d’intérêt négatifs, l’Allemagne devrait lâcher du lest fiscal et permettre une augmentation des budgets d’investissement en Allemagne et plus largement en Europe.
A moyen terme, l’Europe pourrait ressembler au Japon. Celui-ci est en crise depuis l’éclatement de la bulle spéculative du début des années 90. La croissance, l’inflation et les taux d’intérêt y sont depuis plus de 25 ans à des niveaux ridiculement bas.
Nous soupçonnons en outre que ce scénario serait considéré comme le moins pire par les « dirigeants » européens. Ceux-ci pensent en effet régler leur problème démographique en important de la main-d’œuvre. Ce que le Japon n’a pour le moment pas voulu faire.
2. Une reprise de l’inflation ?
Cela pourrait certes se produire pour des raisons probablement externes à l’Europe. Mais l’Italie et la France restent fortement endettées. Donc cette reprise de l’inflation ne pourrait pas mécaniquement s’accompagner par une hausse des taux d’intérêt négatifs.
En outre, ce scénario signifierait une forte perte de pouvoir d’achat et les gilets jaunes vireraient carrément au rouge !
3. Un éclatement de l’Europe ?
Scénario peu probable, qui pourrait venir de l’Italie mais aussi de l’Allemagne, voire des deux en même temps. Les Italiens renonçant à payer leurs dettes et les Allemands refusant de payer pour les Italiens.
Ce serait un sacré feu d’artifice, que les Américains auraient cette fois beaucoup de mal à contrôler.
Pour rappel, ce sont les Américains qui ont poussé l’Europe à s’unifier dans les années 1950 – 1960. Afin de favoriser le développement de leurs exportations et de leur « culture » (Hollywood, burgers, etc). Le tout en s’assurant que ce bloc européen soit dressé comme un seul homme face à l’Union Soviétique, l’ennemi de l’époque…
Notre conclusion sur les taux d’intérêt négatifs
Au final, pour l’épargnant individuel, les taux d’intérêt négatifs aboutissent à « l’euthanasie du rentier », formule chère à Keynes.
Les particuliers, notamment retraités, ont économisé pendant des décennies. Pourtant, ils se retrouvent piégés et ne reçoivent plus d’intérêts sur leurs dépôts bancaires. Il s’agit en fait d’un impôt déguisé, permettant aux Gouvernements de s’endetter encore plus, aux dépens des épargnants.
Et ceci, ajouté à la mauvaise utilisation faite des fonds publics, ne peut à terme qu’augmenter les tensions entre les peuples et leurs Gouvernements.
Lire ici une autre de nos analyses :
[Juil. 2019] Mauritius Leaks – Une investigation qui pose question…
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